Mes ruines de béton font échos à une citation de Jean GENET, extraite de « L’atelier d’Alberto Giacometti, 1963 » :
« Tout homme aura peut-être éprouvé cette sorte de chagrin, sinon la terreur, de voir comme le monde et son histoire semblent pris dans un inéluctable mouvement, qui s’amplifie toujours plus, et qui ne parait devoir modifier, pour des fins toujours plus grossières, que les manifestations visibles du monde.
Ce monde visible est ce qu’il est, et notre action sur lui ne pourra faire qu’il soit absolument autre. On songe donc avec nostalgie à un univers où l’homme, au lieu d’agir aussi furieusement sur l’apparence visible, se serait employé à s’en défaire, non seulement à refuser toute action sur elle, mais à se dénuder assez pour découvrir ce lieu secret, en nous-même, à partir de quoi eut été possible une aventure humaine toute différente. Plus précisément morale sans doute.
Mais, après tout, c’est peut-être à cette inhumaine condition, à cet inéluctable agencement, que nous devons la nostalgie d’une civilisation qui tacherait de s’aventurer ailleurs que dans le mensurable ».
Ainsi, mes sculptures à l’apparence classique, voire antique, présentent des femmes et des hommes de béton, figés dans la matière à l’état de ruines, comme pour préfigurer une époque lointaine. Il s’agit ainsi d’archéologie contemporaine. Le rapport au temps, à la dégradation est essentiel dans ma démarche artistique. Les choses passent, évoluent, se renouvellent, se reconstruisent. Cette inscription dans le temps et dans l’espace permet d’asseoir une identité. J’envisage l’esthétique de la ruine romantique et mélancolique pour m’ancrer dans mon cadre. Ces ruines nous renvoient à l’idée de cycle, de trajectoire. Je reconstitue mon mode de vie, je laisse quelques traces, fragments ou empreintes. Je me réapproprie mon environnement pour lutter contre un sentiment d’inertie.